Compte-rendu du Midi de la Solidarité « Citoyenneté, quel rôle pour les associations »
PLS et le Conseil Bruxellois de Coordination Sociopolitique (CBCS) avaient entamé une réflexion en mars de l’année dernière lors de la rencontre « Citoyenneté, quel rôle pour les associations ? ». Le 29 septembre 2008, ils ont réuni acteurs associatifs et institutionnels bruxellois et européens afin de faire le lien entre la charte associative en cours de consultation en Belgique et les avancées du dialogue civil au niveau européen, d’identifier les zones d’influence et de tirer des leçons des difficultés rencontrées lors des deux processus.
Alain Willaert, coordinateur du CBCS, a rappelé les différentes étapes de mise sur pied de la charte associative de la communauté francophone / française de Belgique. Guy Verhofstadt, alors Informateur, déclarait en 2003 dans son rapport au Roi : « Dans l’optique de la mobilisation des forces vives de la société, il semble souhaitable de conclure un pacte entre les acteurs du monde associatif et les autorités publiques ». Favorable à l’idée, la « Plate-forme Francophone du Volontariat » a pris, à l’automne 2003, une initiative visant à préparer le dialogue s’ouvrant entre politique et associatif. À l’occasion des élections régionales de juin 2004, plusieurs partis rappellent, dans leur programme, leur volonté d’ouvrir un dialogue avec la société civile. La volonté de conclure un « pacte associatif » se retrouve dans les déclarations de politique générale de la Communauté française (CF), de la Commission communautaire française (CoCoF) et de la Région wallonne (RW). Un an plus tard, les Exécutifs de la CF-CoCoF-RW déposent un livre vert, synthèse des réflexions conduites par la société civile (27 associations et groupements d’associations) et le monde politique francophone belge sur l’idée de Pacte associatif consultés via un questionnaire. Une évidence ressort : avant la conclusion d’un Pacte, il appartient aux pouvoirs publics de poser un acte unilatéral de reconnaissance du fait associatif. Le 30 mai 2008, les 3 Exécutifs approuvent le projet de Charte associative, le 15 octobre marque la fin de la phase de consultation, les gouvernements se réuniront et soumettront le projet aux parlements. Cet accord établira un droit opposable pour les associations.
Vincent Giroul1, du Cabinet Cerexhe, explique que la charte associative si ratifiée, promouvra les principes de libre initiative associative, reconnaîtra l’importance de l’esprit critique des associations, leur capacité à détecter des besoins nouveaux, la capacité et le potentiel économique que représente le monde associatif notamment en termes de création d’emplois. La charte ne sera pas seulement une déclaration de principe, les principes fondamentaux qu’elle reconnaît, seront tous accompagnés d’engagements concrets des pouvoirs publics signataires, à titre d’exemple :
· Les trois gouvernements s’engagent à rendre publics les procédures et critères de choix établis, à répondre avec diligence aux demandes de subventions publiques, à rendre obligatoire la publication chaque année de la liste des subventions, à traiter également les prestataires ;
· Le pouvoir public se verra obligé d’indiquer s’il agit en tant qu’opérateur ou régulateur et devra donner la prééminence à l’action privée et associative sur l’action publique ;
· Les contrôles et contraintes administratives devront être ajustés au montant des aides apportées aux différentes associations ;
· Les pouvoirs publics devront s’efforcer de délivrer aux associations les subsides à temps, d’améliorer les mécanismes d’avance et d’élargir les possibilités de subsides multi-annuels ;
En conséquence, la charte pourra créer les conditions nécessaires à la gestion des tensions entre associations structurées dont l’activité est principalement financée grâce aux subsides publics et petites associations ne recevant pas ou peu de subsides, entre les salariés et bénévoles au sein des associations, entre associations para-communales et privées. Cet outil permettra de faire vivre toute une série de pratiques. Alain Willaert a complété son propos en précisant qu’à un moment où pouvoirs publics et associations sont tous les deux opérateurs principaux comme, par exemple, dans le secteur de l’action sociale et de la santé, il était temps de passer un accord entre les deux parties prenantes afin de se compléter et non pas de se concurrencer.
En écho au processus de collaboration entre les acteurs du monde associatif et les autorités publiques, Magda Tancau de la Fondation roumaine PACT, spécialiste de l’organisation de la société civile au niveau européen, a rappelé que pas moins de 10 pays membres de l’Union européenne avaient adopté un accord avec la société civile organisée2 au niveau national. Charte, Compact, Accord, Loi, les formes varient et portent l’histoire des relations entre les pouvoirs publics et les associations.
Puis, elle a questionné la pertinence d’une reconnaissance au niveau européen des rapports entre les institutions communautaires et la société civile organisée au niveau européen. Elle a introduit le concept de dialogue civil comme un instrument de démocratie participative encore peu connu au niveau national bien que très employé par les parties prenantes actives au niveau européen.
Selon le Groupe de Contact pour la Société Civile Européenne, « le dialogue civil décrit l’interaction entre les institutions publiques et les organisations de la société civile. Il dépasse l’information et la communication, il est basé sur la reconnaissance et la réceptivité mutuelles. Il couvre différents types d’échanges entre structures légalement reconnues et structures informelles, de façon régulière ou ponctuelle ». Le dialogue civil implique que les citoyens soient consultés, qu’ils participent à la décision et que leur opinion soit respectée.
Avant toute chose, elle a défini les deux partenaires du dialogue au niveau européen :
1. « Institutions publiques » fait référence au niveau de l’Union européenne à trois structures auxquelles les organisations de la société civile peuvent s’adresser : la Commission européenne, le Conseil des Ministres et le Conseil européen et le Parlement européen, représentant des citoyens mais seulement co-législateur et sans possibilité d’initiative législative.
2. « Organisations de la société civile », elles ne sont, bien sûr, pas élues et donc pas représentatives mais elles peuvent être dites légitimes car la plupart d’entre elles travaillent pour l’intérêt général, au service d’un groupe de citoyens. La légitimité naît donc du travail mené, des services prestés et de la bonne connaissance des besoins des publics cibles.
Elle a ensuite dressé l’historique des rapports entre institutions communautaires et société civile organisée européenne :
· Dans les années 80, les ONG européennes qui existaient déjà ont créé une plateforme de représentation auprès des institutions tandis que de son côté, l’UE a mis en place de nouvelles politiques sociales (sur la pauvreté, le droit des femmes, le handicap) ;
· Dans les années 90, les ONG environnementales européennes se sont structurées et ont obtenu du Conseil de l’Union européenne un règlement qui reconnaît la nécessité ; d’une part, de consulter ces ONG et, d’autre part, de leur fournir une aide financière pour leur permettre de s’investir dans cette consultation ;
· À la fin des années 90, les ONG sociales européennes se sont aussi regroupées pour former une seule Plateforme des ONG Sociales Européennes, qui a été finalement reconnue et financée par la Commission européenne et consultée sur les thématiques sociales ;
· Enfin, la démocratie participative et par conséquent le dialogue civil sont fortement renforcés dans le projet de traité instituant une Constitution pour l’Europe et plus récemment encore dans le Traité de Lisbonne.
Au regard de l’échec du projet de traité constitutionnel et de la ratification laborieuse du traité de Lisbonne, il est légitime de s’interroger sur les évolutions futures du dialogue civil. Ainsi, les enjeux sont identiques aux niveaux national et européen, développer des chartes efficaces et appliquées et les solutions proposées sont identiques.
1 Conseiller - responsable de la Cellule Cocof, Cabinet du Ministre Benoît Cerexhe, Président du Collège de la Commission communautaire française
2 Les orateurs ont préféré le terme de société civile organisée à celui d’association, étant donné la diversité des statuts au niveau européen. Le terme de société civile organisée permet de décrire tout type d’organisation qui n’est ni à but lucratif ni publique et ce, quelque soit le secteur d’activité.